Les premiers ouvriers de la Manufacture de Bains

Source: Pierre HEILI, président de la Société d’Histoire de Remiremont.

La vallée du Coney, métallurgie et thermalisme – Bains les Bains et Fontenoy le Château 

( fédération des Sociétés Savantes des Vosges, Amis du vieux Fontenoy).

L’inventaire de la Manufacture après la mort de Georges PUTHON, dressé le 10 juillet 1737, a fourni des renseignements précieux. Grâce à ces dépouillements d’archives, un corpus de 55 chefs de famille a pu être établi. Il permet dans un premier temps d’identifier les premiers ouvriers et de mieux connaître leur origine.

On peut le remarquer, la plupart des premiers ouvriers de la manufacture de Bains venaient du monde Germanique, principalement d’Alsace. On le découvre par les noms de famille à consonance Allemande, mais aussi par les sources archivistiques. La proportion des ouvriers germanophones est de 67 % soit les deux tiers. Sur ce plan, la tradition locale est confirmée. 

Dans certains cas il est possible de donner précisément le lieu d’origine, André GEORGY vient du Wurtemberg, les MATHE de Rougemont le Château, Nicolas HOLSTEIN de Wegscheid (Masevaux), Alexandre GROSJEAN d’Oberbrück. Ce sont des transfuges de la Manufacture de fer-blanc D’Anthès, établi dans la vallée de la Doller en 1720, d’où ils ont été débauchés par Georges Puthon.

Les autochtones sont peu nombreux : seul Colomban SACHOT appartient à une ancienne famille de Bains. Avec seulement 55 chefs de famille recensés pour les 20 premières années d’existence de l’usine, on est loin des importants effectifs parfois avancés. À ses débuts, l’usine n’emploie d’ailleurs qu’une quinzaine d’ouvriers dont les noms figurent dans l’inventaire Puthon de 1737. 

Dans ce document, certains ne sont d’ailleurs appelés que par leur prénom en raison certainement de la difficulté de prononcer leur nom allemand. 

La direction de l’usine est d’abord assurée par Vincent André, un Lorrain, de 1734 à 1736, puis par Michel Keringer, enfin par André Valette, qui deviendra propriétaire par la suite. 

Sous leurs ordres on trouve les maîtres. Et d’abord un maître-étameur, lequel exerce une fonction primordiale. 

C’est l’homme de confiance par excellence qui détient les secrets de fabrication du fer blanc. 

On trouve en premier lieu à ce poste :

Christian GARBER  jusque vers 1740,

puis 

André GEORGY,

un Wurtembourgeois qui à transité par la Manufacture concurrente de WEGCHEID

André Georgy (né en 1725)

André GEORGY travaille jusqu’en1751, avant que sa famille ne soit débauchée à son tour pour La Chaudeau, lors de la transformation de cette forge en manufacture de fer blanc, en 1766. 

Ce nomadisme ne doit pas étonner, car les spécialistes étaient très recherchés par les maîtres de forges.

Abjuration (page 1) de Emmanuel Georgy 1747, Eglise de Bains.
Abjuration (page 2) de Emmanuel Georgy , « à pour parrain André VALLET, propriétaire de la Manufacture », qui lui donnera son prénom.
Promesse de mariage, Bains 1748, André Georgy avec Jeanne EMOND.
Mariage à Bains 1748, de André Georgy, (fils de Johann Michael Georgy et de Marie Rose Speiler), avec Jeanne EMOND

1

L’arrivée de la famille Georgy.

  Il s’agit d’essayer de rassembler le maximum d’informations, sur une activité qui a assuré à La Chaudeau, une certaine notoriété, et à des familles- et ceci évidemment les dynasties GOUX- DEMANDRE- DE BUYER, mais autant, sinon davantage, les “sans-grade”, la “France d’en bas”, le “personnel”- des ressources suffisantes pour vivre, voire survivre, dans une vallée que la nature n’avait pas dotée de richesses particulièrement remarquables, en dehors de la force hydraulique de la Sémouse, de vastes forêts, de la pugnacité et volonté de travail des hommes.

André Lemercier.

André LEMERCIER
Auteur  de Bûcherons, ouvriers et Maîtres de forges de la Chaudeau.
TOME 1 ET TOME 2

Avec l’aimable autorisation de Michèle Lemercier.

La manufacture de fer-blanc de la Chaudeau.

SA CRÉATION EN 1766-1767, avec l’arrivée de la famille Georgy.

Forges et Manufactures Royales de fer-blanc, au XVIIème et XVIIIème siècles.

Il s’agit d’usines métallurgiques, établies le long d’un ruisseau qui fournissait l’eau et l’énergie nécessaire. Les foyers étaient alimentés en bois et charbon de bois fournis par les forêts voisines (situées à deux kilomètres de la Manufacture de Bains les Bains, le hameau des Baraques est issu d’une telle communauté de charbonniers …).  Elles étaient alimentées en fer depuis des hauts-fourneaux situés près des mines, quelquefois à plus de 100 km.

Généralement ces « forges » n’avaient que quelques « forgerons », parfois pas plus de cinq ou six, et ne fonctionnaient que quelques mois par an. Durant la saison des récoltes les « forgerons » retournaient aux champs et en été, les ruisseaux pouvaient n’avoir pas un débit suffisant pour faire tourner la roue à aube .

Ces petites « forges » n’ont souvent eu qu’une existence très temporaire, et ont complètement disparu aujourd’hui. Par exemple la forge du Bas-du-Mont à Ambiévillers (Haute-Saône) n’a pas laissé de traces et vers 1920, seules quelques ruines subsistaient.

En Haute-Saône, l’élaboration du fer par procédé indirect, utilisant un haut-fourneau,  est attestée dès 1349 à l’Abbaye de Cherlieu. Celle-ci avait été reprise en 1131 par Guy, prieur cistercien. Cette abbaye produisait du fer, dans des fours catalans, au moulin d’Agneaucourt, où étaient broyés puis traités les calcaires ferrugineux du Mont Noroy,

La Chaudeau

Sa création entre 1763 et 1767, témoigne de la volonté des propriétaires et, très probablement de Claude-François DEMANDRE, d’ajouter une activité nouvelle plus technique, plus différenciée et plus lucrative, à celles des gorges, martinets, tireries alors trop répandues en Franche-Comté, et dans le sud de la Lorraine, pour générer des profits suffisants, compte tenu du relatif éloignement des sources d’approvisionnement en fontes : se spécialiser dans ce qui reste encore une production haut de gamme se révèle une nécessité, à la fois pour rentabiliser les investissements réalisés, et tout simplement pour la pérennité des entreprises.

Les lettres patentes, données à Paris le 14 septembre 1720 et portant établissement d’une manufacture de fers blancs à Moissevaux (ou Wegscheid, ou Masevaux) en haute Alsace, prouvent combien cette technique innove, au début du XVIIIème siècle :

« comme nous sommes informés qu’il ne se fabrique point de fer-blanc dans notre royaume, et que l’on tire tout des pays étrangers, nous avons écouté avec plaisir la représentation qui nous à été faites de la part de notre cher et bien-aimé Henry Anthès qu’avec de grands soins une application particulière, et des dépenses considérables.

il (a) acqui des connaissance en différents voyages qu’il a faits dans des pays étrangers, et s’est rendu habile dans la composition et fabrication du fer-blanc ; que de notre agrément il a commencé d’en établir une manufacture à une lieue de Moissevaux (…) permettons et accordons à l’exposant par ces dites présentes la continuation de ladite manufacture pendant l’espace de vingt années consécutives (…)

par tel nombre d’ouvriers qu’il jugera à propos, la mettons sous notre protection et sauvegarde, voulons que sur la principale porte soit mise cette inscription : MANUFACTURE ROYALE DES FERS-BLANCS, et qu’il puisse y mettre gardes de nos livrées”.

S’y ajoutent d’importants privilèges : monopole de fabrication des fers blancs en Haute Alsace pendant 20 ans, exemption de taille et de toutes autres charges ou impositions pour les ouvriers ; exemption de tout péage pour la sortie des produits hors des “provinces réputées étrangères “, à la condition toutefois que le manufacturier ne vende pas ses fers-blancs au-dessus du tarif pratiqué pas ses concurrents étrangers.

En fait, La Chaudeau possède une position privilégiée, tout comme Bains et Masevaux : située à l’est du Royaume, loin des grands ports où peuvent débarquer les fers-blancs anglais (malgré les droits de douane exorbitants, perçus avant le traité de commerce franco-anglais de 1786).

De plus, même si elle “ne fait à présent aucun progrès (et si son) fer-blanc ne vaut pas mieux que celui d’Allemagne”, elle ne se heurte qu’à la concurrence des fers-blancs d’Audincourt (Principauté de Montbéliard) et de Kaiserlautern alors territoires étrangers, de là la requête des propriétaires de La Chaudeau, dûment enregistrée dans le rapport de Dietrich (17 mars 1786), de :

“charger tellement de droits les fers-blancs étrangers à l’entrée du royaume, qu’ils ne soient plus dans le cas de concourir avec ceux des manufactures Françaises, dont la fabrication éventuelle serait très suffisante à la consommation Française”

En ce qui concerne la main-d’œuvre, les salaires élevés, le logement gratuit à la manufacture, et l’exemption d’impôts ont permis dès les années 1730 un recrutement localement large et incité à l’immigration des Alsaciens et des Allemands du Wurtemberg , malgré le travail de nuit, mais avec repos le dimanche.

 La seule manufacture de Bains et ses dépendances, arrivent à employer plus de 500 personnes en 1849.

Le début de la fabrication de fer-blanc à la Chaudeau, se situe probablement au cours du deuxième semestre 1766, ou dans les premiers mois de 1767, ainsi qu’en témoigne l’arrivée de la famille GEORGY, qui travaille d’abord à la manufacture de Bains.

Sources :

  • Bûcherons, ouvriers et maîtres de forges de La Chaudeau, de André Lemercier.
  • Archives Départementales de Haute-Saône, fonds De Buyer.
  • SHAARL, Société d’Histoire et d’Archéologie de l’Arrondissement de Lure.

Mise à jour 17 mars 2022

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Daniel

Ces pages ont été crées, pour rassembler ce que nous savons, de notre propre histoire familiale, et pour le partager.



Naissance de la manufacture de BAINS 1733–1744

pages extraites :

LES FORGERONS DE L’INOXYDABLE, de Bruno Chavanne

et LES JOURNEES D’ETUDES VOSGIENNES. La Vallée du Côney, métallurgie et thermalisme Bains les Bains et Fontenoy-le-Chateau

La Manufacture Royale de Bains, ou Manufacture de fer blanc fut fondée en 1733.

Un affluent de la Saône, le Coney, lui prêtait sa force. Elle prenait son charbon dans les forêts des alentours . Les bois étaient tous proches. Un chemin longeait la rivière bordée de grands arbres. 

Par là, s’en allaient les marchandises, traînées sur des chariots par des bœufs . La plupart gagnaient, après un long voyage, Paris ou la Bourgogne, ou quelques destinations plus lointaines encore. 

D’autres, bientôt chargées sur des bateaux, descendaient la Saône jusqu’à Lyon.

A demi agricole, la Manufacture possédait, non loin de ses ateliers, des prés et des champs exploités par  les ouvriers eux-mêmes. Elle avait ses greniers à blé et à fourrage, ses porcheries et ses étables.

La chapelle et la maison de maître se dressaient à flanc de coteau telles qu’on les voit encore aujourd’hui. A leurs pieds se groupaient  les bâtiments de la forge et les logements d’ouvriers.

Une manufacture, mot couramment utilisé depuis Colbert dans les pays francophones, était simplement le nom utilisé pour toute entreprise industrielle qui dépassait la taille des ateliers artisanaux. Ici, il s’agit d’une fabrique se proposant de transformer des lingots de fer, en tôles fines avec un traitement chimique à base d’étain. On obtenait alors un produit semi fini, le fer blanc. Ce matériau inoxydable sera transformé, ailleurs et par d’autres industriels, en produits finis : tuyaux de poêle, seaux, arrosoirs, bassines et autres matériels domestiques utilitaires, ou à usage spécial comme les matériaux de marine. Rappelons que ni l’aluminium, ni l’acier inoxydable n’existaient encore.

Le fer blanc ou fer étamé est une tôle recouverte d’une mince couche d’étain. Ce matériau est fabriqué depuis le XVe siècle en Allemagne, autour de Nuremberg. Cette production se  développe au XVIIe siècle en Saxe, en Rhénanie, puis en Alsace et en Angleterre. En France les premières ferblanteries apparaissent en 1665, dans le Nivernais puis en 1695 dans le Doubs. En Lorraine le fer blanc et produits au Thillot. En 1733, c’est donc un produit moderne est rare, car les secrets de la fabrication sont jalousement préservés.

Le décor est maintenant bien installé. Venons en aux quatre promoteurs de la Manufacture : ce nombre d’associés ne doit rien au hasard de la composition capitalistique il était le présage d’une réussite espérée.Le premier s’appelle Georges Puthon (1679–1737) né à Luxeuil, il a 54 ans en 1733. Il a été Marchand à Remiremont. C’est aussi un professionnel de la métallurgie : il avait repris les forges du Clerjus, près de Bains-les-bains. Il avait aussi longuement enquêté sur les modalités de fabrication de fer étamé,  ayant acquis par ses voyages à grands frais, les connaissances nécessaires pour parvenir à la composition et la fabrication des fer-blancs .

Il aura la lourde charge de concevoir la nouvelle usine, dans ses différentes composantes, mais aussi, il devra faire office de maître D’œuvre du chantier et d’ ingénieur en chef pour la construction sur place de toutes les machines et outillages nécessaires. C’est encore lui qui sera le premier directeur de la Manufacture. En résumé il apporte à l’équipe des quatre associés, les connaissances techniques indispensables.

Au centre du site est dans le creux du périmètre délimité par le méandre, se trouve l’essentiel : les ateliers du feu. Ils sont rassemblés dans une grande halle. On y installe :

  • Trois fourneaux d‘affinerie
  • Deux fours pour le service des martinets
  • Trois Martinets pour l’assemblage des semelles
  • Trois gros marteaux pour platiner les tôles
  • Et un remplieur pour le découpage des tôles

Il faut enfin construire les logements des maîtres, des contremaîtres, des commis et des ouvriers pour accueillir une cinquantaine de familles. Ainsi cette Manufacture isolée n’était pas seulement une usine de production, elle deviendra aussi un vrai village, un centre de vie autonome, avec son église, sa fontaine, une école, la boulangerie, les potagers, et une ferme pour la production de lait et la culture du blé. On inaugure ainsi, sans le savoir, une pratique paternaliste, un siècle avant que Charles Fourrier  théorise son projet utopiste, le Familistère, un système coopératif d’économie sociale et humaine et qu’il propose dans son ouvrage: «le Nouveau Monde industriel et sociétaire», publié en 1829.

Il est vrai que, assez loin de tout agglomération, les promoteurs n’avaient d’autre solution que de loger sur place le personnel qui devait travailler de 6h du matin à 6 heures du soir, six jours par semaine et 52 semaines par an. Il fallait, en outre, veiller la nuit pour éviter l’extinction des feux d’affinerie. Ajoutons que la plupart des ouvriers recrutés viennent du Nord de l‘ Alsace ou d’Allemagne : c’était à cette époque, presque les seules régions d’ Europe Continentale qui possédaient des étameurs qualifiés.

Au moment de la pleine exploitation de l’usine vers 1750, il y aura 55 chefs de famille, employés sur le site : les deux tiers étaient germanophones.

Curieusement le petit village, bien structuré mais hors norme, ne reçoit aucun nom propre. On le désigne et cela restera pour l’éternité, par un nom commun, la Manufacture.

L’organisation du travail était celle de l’ancien régime, avec le système des corporations et ses hiérarchie. Maîtres, compagnons et apprentis sont d’abord solidaires au sein de leurs métiers. Il y avait alors sur place six groupes professionnels : les étameurs, les marteleurs, les platineurs, les voituriers, les Coupeurs De Bois et les charbonniers. Seul ces derniers n’étaient pas intégrés et conservaient leur mode particulier de vie, au cœur des forêts. Les ouvriers vivant à la Manufacture étaient considérés comme disposant d’une certaine aisance. Ils étaient logés gratuitement et disposaient d’un jardin potager. Ils recevaient sans frais le lait, le pain et le bois de chauffe. Il ne payaient pas d’impôts ni la dîme, ils étaient dispensés des obligations militaires, et des corvées selon les avantages acquis par les lettres patentes.

On comprend pourquoi ces étrangers se sont durablement enracinés: les fils succèderont à leurs pères sur ce site industriel. Deux siècles plus tard, on n’y entendait encore des accents germaniques…

La Manufacture est-elle vraiment un petit coin d’harmonie social dans le meilleur des mondes ? On peut en douter un peu depuis la découverte en 1989 d’un étonnant et insidieux poème, découvert par la responsable du service des Archives départementales des Vosges. Ces vers, rédigés très probablement par un employé de la manufacture, sans doute pendant la période révolutionnaire, « Étaient  griffonnés au verso d’un plan, non daté, conservé sur le site » les voici :

Ici, dans la joie et sans mélancolie
L’on forge du fer
Pour Armer nos frères 
En défendant la Patrie

Ceci est un enfer
Ou sans mélancolie
On fabrique du fer
Pour venger la Patrie

Ceci est un enfer
Ou avec grand déplaisir
On fabrique du fer
Afin de s’enrichir.

Pour couronner l’ensemble des nouveaux bâtiments de la manufacture, une petite chapelle, à la flèche élégante, est érigée dans l’enclos de la maison des maîtres, après autorisation de l’évêque de Toul. Son clocher était couvert de tuiles en bois.

Trop petit pour contenir deux travées de fidèles, séparés selon la coutume de l’époque (les hommes d’un côté et les femmes et les enfants de l’autre) il fut alors convenu que les femmes seraient placées au premier rang et, les hommes au fond. Cette tradition n’a pas été immuable : au dernier changement de famille de propriétaire, l’ordre initial est inversé…

Une pensée trouble traverse, un instant, mon esprit : les familles des ouvriers assistaient-elles aux offices ? Il semble que les modestes dimensions du lieu sacré n’aient pas intégré cet aspect communautaire…

Il est vrai aussi que la plupart du personnel, d’origine allemande, était des luthériens.

Des ouvriers privilégiés

A leurs revenus qui sont déja loin d’être négligeables, s’ajoutent de nombreux avantages et d’abord d’être logés gratuitement dans l’enceinte de la Manufacture pour les ouvriers internes. On peut se faire une idée du logement fourni par les maîtres de forges grâce à l’inventaire fait au domicile mortuaire de Christian Graber, le maître-étameur décedé à la Manufacture le 26 mars 1740, et qui comprenait 4 pièces : une cuisine et 3 chambres dont une à l’étage et une autre réservée à un domestique. Le bois de chauffage est fourni gratutement. Chaque famille dispose d’un petit jardin dont l’apport alimentaire devait être appréciable. Il est completé par la lait d’une vache que l’on met en pension, chez un paysan des environs, moyennant le partage des produits.

Un ouvrier aisé.

Alexandre Grosjean, maître-platineur de 1739 à 1751, est originaire d’Oberbrück, dans la vallée de la Doller. Il tombe accidentellement dans les eaux du Coney le 14 mars 1751 et se noie. Son inventaire montre une certaine aisance : argent monnayé, de l’étain, des chaudrons, bassinoire, tourtière, passoire, chandeliers, cafetière, arrosoir, lanterne, et chopine tout en fer-blancn lèche-frite, réchaud, broche, gril, chaudière, pots en fonte, du lard, une horloge, un buffet en noyer et un autre en chêne, un prie-Dieu, un fusil, un coutelas, de la faîence, des images, une pièce de vin, sept réseaux de blé, une vache, 2 génisses, 2 porcs, etc…. Alexandre Grosjean était loin d’être pauvre.

PALANDO MALEUS ARDEA « En frappant s’échauffe le marteau » devise des forgerons Comtois.
Détail du fronton triangulaire du Chateau de Jean-Baptiste BOULY, maître de forges à St-Loup, 1755.

Le coût de l’ensemble de ses grands travaux est inconnu, mais il fût sûrement considérable, même si les lettres patentes  avait accordé aux associés le droit de s’approvisionner, à moitié prix, en bois de charpente et en madriers auprès de la Scierie ducal de Dompaire. C’était une sorte de subvention d’État à l’entreprise privée.

WEGSCHEID

d’Anthès, une saga des XVII et XVIIIème siècles.

 

Vers 1600 une nouvelle technologie venue de Suède, se répand en France, fondée sur des haut fourneaux couplés à des ateliers d’élaboration.

   Les ouvriers se spécialisent :

Le chauffeur est responsable du haut fourneau, le fondeur de la coulée.

Le marteleur façonne les pièces avec un marteau mû par l’énergie hydraulique, l’affineur produit de l’acier.

Un peu plus tard le fendeur produit des fers plats, ancêtre du laminoir. 

En Bretagne le bûcheur ou bocqueur dégrossit les morceaux de minerai.

 Le poêlier, le cloutier, l’épinglier sont encore plus spécialisés.

Chaque profession est très hiérarchisée, avec des maîtres qui tiennent le haut du pavé, et des valets, petits valets, en charge des travaux subalternes. Tous sont sous l’autorité du maître de forge, parfois le propriétaire de la forge, plus souvent un expert, recruté par ledit propriétaire.

Les compétences techniques sont rares dans une société essentiellement rurale. 

Elles se transmettent de père en fils, conduisant à des dynasties de forgerons. Les dynasties de maîtres de forge ont été très étudiées : leur activité est sur la place publique, enregistrée dans de nombreux actes notariés.

Les dynasties d’ouvriers sont plus difficiles à cerner. Certes ce sont des personnages importants dans leur paroisse (leur profession est souvent mentionnée dans les actes de la vie courante), mais ils ne laissent guère de trace. Surtout ils n’arrêtent pas de bouger !

Ouvriers professionnels hautement qualifiés, ils sont très convoités par les maîtres de forge, qui n’hésitent pas à les débaucher, chez leurs chers collègues, souvent fort loin. Un même ouvrier peut passer de la Normandie au Maine, à l’Anjou, à la Bretagne, voire plus loin. (on retrouve la même mobilité chez les verriers).

On peut ainsi suivre les déplacements d’un couple donné au fil des ans.

Wegscheid

L’origine de la manufacture.

Au début du 18ème siècle, pour n’avoir plus à importer d’Allemagne, ce produit recherché pour réaliser des ustensiles ménagers, sont fondées les Manufactures Royales de fer-blanc : Beaumont-la-Ferrière vers 1706, Wegscheid en 1720, Bains-les-Bains en 1733. La Chaudeau, qui fabrique déja du fer-blanc, obtient le statut recherché de Manufacture Royale en 1767.

La vallée de Masevaux, dont les mémoires du XVIIIe siècle consacrés à l’Alsace soulignent la pauvreté agricole, est depuis le XIVe siècle le lieu d’une intense industrie extractive : argent à Wegscheid et fer dans différents filons de la vallée. Suivant le processus industriel, la métallurgie fait ensuite  rapidement son apparition, même si la première mention d’un haut fourneau à Rimbach en 1409 semble hasardeuse. A la suite des destructions de la Guerre de Trente Ans, l’industrie est à reconstruire. 

   C’est à quoi s’emploie Frédéric- Nicolas de Rottemburg, le nouveau seigneur de Masevaux. Il utilise la procédure habituelle qui lui fait demander au roi, des lettres patentes pour ouvrir des forges et exploiter les mines avoisinantes pour les approvisionner. 

Etant incapable d’assurer cette tâche, il en confie la réalisation à un fermier, Philippe Michel Anthès.

Ce dernier est un spécialiste de l’affermage métallurgique dans le sud de l’Alsace et le Rosemont. S’il diversifie ses activités vers l’affermage des droits seigneuriaux, c’est bien la métallurgie qui est son domaine spécialisé : par son origine allemande, il est à portée des meilleures techniques de production en vigueur.

Il s’adjoint rapidement l’aide de ses trois fils parmi lesquels Jean Henry : celui-ci concentre son activité sur la vallée de Masevaux et lance la manufacture de fer-blanc.

La technique de fabrication mise en oeuvre pour obtenir du fer-blanc est celle que les Allemands pratiquent avec succès depuis le XIVe siècle. Les barres de fer sont passées au marteau à platiner pour obtenir des feuilles d’acier. Elles sont ensuite récurées à l’acide,  la partie la plus délicate de l’opération , puis plongées dans un bain d’étain en fusion avant d’être finies et séchées. Une main-d’œuvre qualifiée s’occupe du martelage et de l’étamage, tandis que le nettoyage des feuilles pour la préparation à l’étamage est une tâche ingrate et répétitive. 

Les feuilles sont alors accumulées sans des tonneaux, dans un local vouté, sans ouverture autre qu’une porte, au milieu duquel un four entretient une chaleur constante ; les trousses plongent entièrement dans l’eau chaude, oû macèrent du seigle concassé, des reste de fûts de bière provenant de brasserie des Vosges. Le compagnon-étameur les fait passer successivement d’un tonneau à l’autre, la concentration de ce liquide diminuant à fur et à mesure. Cette dernière opération se déroule sur une période d’environ une semaine.

En 1718, le sieur Anthès,  fit construire à Wegscheid, une usine de fer blanc qui d’après les lettres patentes de 1720, devait s’appeler « Manufacture royale de fer blanc ». Elle est la première construite en France et resta la seule en Alsace durant 20 ans. Cette usine aurait existé jusqu’en 1838 et occupait une vingtaine d’ouvriers.

La manufacture de Wegscheid consiste en une forge, un four à réverbère, une suerie ou étuve, une étamerie, et autres ateliers nécessaires à la décapure et à l’étamage du fer-blanc. La fabrication monte à douze ou treize cents barriques de fer blanc par an ; elle pourrait être portée à deux mille barriques. Les cisailles avec lesquelles on retaille les fers, vont à bras d’hommes, ainsi que les remplieurs de languettes comme nous l’avons dit. 

Un ouvrier (A) chauffe le fer en barres; d’autres (B) (les platineurs) l’aplatissent en languettes qui, battues deux par deux, sous le gros martinet (à droite), sont élargies en plaquettes d’une vingtaine de centimètres et coupées: ce sont les « semelles ». Les paquets de semelles ou « trousses » (à raison de 50 semelles pour le petit modèle, ou de moitié pour le grand modèle) sont trempées dans de l’eau argileuse, puis portées au four S (en haut à droite) où les semelles sont réchauffées avant d’être élargies sous le marteau.

fer blanc : tôle d’acier revêtue d’une fine couche d’étain.

Cour des aides : institution qui traite des affaires fiscales

insinuation : inscription d’un acte privé sur un registre public.

exposant : celui qui présente une requête.

de nos livrées : garde revêtu d’un uniforme aux armes du roi

étamerie : atelier de laminage.

On fait venir l’étain par la Hollande et Strasbourg. On prétend qu’on n’en consomme que dix-huit livres et demie par barrique, au lieu de vingt livres qu’on emploie à Bains. En prenant douze cents cinquante barriques de fer blanc pour terme moyen de la fabrication totale, on trouve qu’on emploie à Wegscheid vingt-cinq milliers d’étain, en le comptant sur le même pied qu’à Bains. Chaque quintal revient à cent vingt livres. La livre de suif coûte douze sous; on en consomme quatre mille cinquante livres. Les six boisseaux de seigle pesant cent quatre-vingts livres se vendent dix livres dix sous. La consommation se porte à cent quatre-vingts réseaux par an. On brûle environ deux cents cordes montagnardes de bois, pour le fourneau de réverbère, les étuves et le chauffage des ouvriers. On n’y fait point usage du charbon de pierre. La consommation en charbon pour l’élargerie et l’étamerie monte de cent cinquante à deux cents bannes. Il se tire des forêts voisines, toutes appartenant à des particuliers ; la banne revient à dix-neuf livres.

Acte de décès de Jean-Michel Georgy, le 8 janvier 1761, platineur à Wegscheid, puis maître-platineur à la manufacture de Bains

Cette usine occupe un maître étameur, quatre compagnons, quatre écureurs, deux platineurs, deux élargisseurs, un chauffeur, un goujat, un trempeur, un livreur, un maréchal, un valet, un voiturier, en tout vingt ouvriers et un commis. En prenant pour base les calculs que nous avons adoptés pour la manufacture de Bains, nous compterons le prix moyen de la barrique à cent huit livres, de manière que la vente annuelle doit monter à environ cent trente-cinq mille livres. Ce n’est qu’en France qu’on peut vendre ces fers blancs; en Alsace on s’en procure de l’étranger à bas prix .

Dès 1838, Joseph et Ferréol ZELLER installent un tissage, dans les anciens bâtiments de la manufacture royale de fer blanc, dont ils deviennent propriétaires en 1855.
En 1950, c’est le plus grand tissage de la haute-vallée avec 400 métiers et 140 ouvriers. Fermeture définitive en 1954 :
les bâtiments sont rachetés par la boucherie Bindler-Frères d’Oberbruck, qui en fait un abattoir.
Aujourd’hui une partie du bâtiment abrite la Carrosserie de la Doller.
La Manufacture de Wegscheid en 2022.

L’orthographe des noms propres

Un problème manifestement, mais qui n’en était pas un jusque dans la moitié du XIX ème siècle.

Aujourd’hui, les chercheurs généalogistes sont obligés de se référer à une écriture unique, acceptée pour beaucoup d’entre eux par la mémoire de leur ordinateur. Autrefois les noms étaient destinés à être dits, prononcés d’une certaine manière. En ce qui concerne les les noms des personnes, la dérive est certaine : le curé ou parfois un vicaire, qui ne passait que quelques années dans la paroisse, ou même un tonsuré attaché à un quelconque ordre et chargé exceptionnellement d’assurer le culte, écrivait le nom patronymique comme il l’entendait (au sens fort du terme).